VILLAGES OSTREICOLES, POURQUOI ABORDER CE SUJET SENSIBLE ?

Lège Cap-Ferret | Épisode 01

Depuis quelques années des problèmes récurrents surviennent dans l’attribution des « cabanes ». Un papier récent paru dans le journal Sud-Ouest du 24 octobre 2020 s’est fait l’écho de la complexité des situations rencontrées dans la gestion de ces villages et du problème de la transmission de ces cabanes.

Pour essayer de comprendre il faut se pencher sur l’histoire de ces villages :

Vers 1830 les premiers pêcheurs traversent le Bassin d’Arcachon depuis Gujan-Mestras, Arès et La Teste pour venir pêcher soit côté bassin, soit côté océan en portant leur pinassotte à travers le cordon dunaire. D’abord visiteurs d’un jour, ils s’installent progressivement d’une manière plus pérenne et campent dans les zones les plus protégées dans des abris précaires ou sous une pinasse retournée au bord de la plage.

Dans ce contexte en 1892 l’Etat décide de permettre à quelques professionnels de se sédentariser et accorde des concessions regroupées sur ce qui deviendra un « village ostréicole ».

A peu près à la même époque l’Etat autorise l’installation de douaniers, de gardes chasse, de gardiens de phare, de gardes forestiers ainsi que des militaires pour le Sémaphore. Dans le même temps des chasseurs et pêcheurs amateurs (et privilégiés !) obtiennent des concessions sur des territoires différents de la commune ; ces concessions leur seront vendues ou échangées individuellement par l’Etat. C’est le commencement du lotissement du Cap-Ferret et la « Naissance de la station balnéaire ». Neuf villages sont ainsi créés : Claouey, Le Four, Les Jacquets, Petit Piquey, Grand Piquey, Piraillan, La Canon, L’Herbe, La Douane et le Phare (Cap-Ferret).

Dans ces années, l’ostréiculture se développe et les villages ne sont occupés que par des professionnels pêcheurs ou ostréiculteurs. Mais progressivement, dans les années 1950, des titulaires d’AOT* (pro) vont vendre ou échanger plus ou moins officiellement des cabanes qui vont se trouver occupées par des non professionnels (et cela bien sûr avec la bénédiction de l’Etat !). Pour régulariser ces nouveaux arrivants ils deviennent titulaires d’AOT différentes (titres roses). Pendant plusieurs décennies les professionnels restent les plus nombreux mais progressivement les titres roses vont finir par occuper presque la moitié des cabanes dans les Villages du Canon et de L’Herbe (estimation en 1972).

Une concession ou AOT peut donc être accordée aux professionnels et aux non-professionnels. L’État reste toujours propriétaire du site et du terrain et les cabanes doivent être construites ou transformées selon un cadre réglementaire précis. Pour les ostréiculteurs il y a la cabane d’habitation, le chai de travail et les terre-pleins professionnels d’exploitation. Les Cabanes sont donc l’objet d’une AOT, et la durée de cette AOT a été modifiée au cours des années.

Les villages sont classés à l’ « Inventaire des sites » (18 juin 1981)

Une association de concessionnaires s’est formée en 1982 sous le nom d’ ASYNPRO et devient l’interlocuteur des titulaires d’AOT avec l’état.

Devant les difficultés de gestion de ces cabanes l’Etat décide par convention de confier la gestion des villages à la commune de Lège Cap-Ferret le 13 juillet 2012 (situation originale sur le Bassin d’Arcachon et peut-être en France ?)
– la convention de 2012 précise les rapports entre l’Etat et la commune de Lège Cap-Ferret
– le règlement de 2012 définit les rapports entre la commune, dorénavant gestionnaire des Villages Ostréicoles, et les titulaires d’AOT
– le règlement a été modifié deux fois : le 7 décembre 2016 et le 2 juillet 2019.
Au moment de la signature de la convention entre l’État et la Commune, État qui d’un commun accord comme point de repère le 01 Janvier 1964, créant les « familles historiques » occupant une cabane avant cette date. Ces familles auront droit à un statut privilégié notamment en ce qui concerne le renouvellement ou la transmission de leur AOT.

Ces modifications du règlement en marge de la légalité concernent uniquement la transmission des cabanes.
Nous ne voulons pas entrer dans ce conflit mais simplement rappeler des évidences que certains d’entre nous défendent depuis plus de 35 ans. Comme chacun sait le problème vient du caractère particulièrement attrayant de ces villages, de l’attachement affectif bien compréhensible des titulaires non professionnels à ces lieux … mais aussi de la valeur démesurée que le patrimoine immobilier de la commune a atteint au cours des dernières décennies. Pour mémoire la commune a vu sa population passer de 4900 habitants en 1982 à 7600 en 2009 et la pression continue !!! Notons qu’en moyenne chaque année il y a entre 15 et 20 demandes de professionnels non satisfaites.

Quelques pistes de réflexion :

• Les villages étant sur le domaine public de l’Etat doivent garder leur vocation originelle et donc être réservés en priorité aux professionnels
• La valeur vénale d’une cabane devrait être intégrée dans la masse de toutes les successions qu’elles soient professionnelles ou non (ceci afin de ne pas léser les héritiers non attributaires)
• La transmission devrait suivre des règles strictes, pérennes et justes
• Pour éviter toute spéculation le renouvellement d’une AOT vacante devrait toujours favoriser l’installation d’un professionnel et s’il n’y a pas preneur être gardée par la commune pour le logement soit d’un agent territorial, soit en dépannage social
• L’attribution à un non professionnel devrait être liée à une occupation réelle et non à une résidence secondaire (la notion de résidence principale étant ambiguë et incontrôlable)
• Ainsi la mixité des Villages (professionnels et non professionnels) pourrait être maintenue mais non favorisée (notons que le problème de mixité et donc de transmissions de non professionnels concerne essentiellement les villages du Canon : 35 cabanes d’habitation non professionnelles et celui de l’Herbe : 45

À suivre !

*AOT : Autorisation d’occupation temporaire

Village ostréicole du Cap-Ferret en 1975
Village ostréicole du Cap-Ferret en 1975